Cet article est le premier d’une série que je consacre à la conception d’un projet stratégique d’entreprise. Nous allons définir ce qu’est un processus stratégique, qui en sont les contributeurs et évoquer les 6 paramètres-clés qui conditionnent la réussite du déploiement d’un projet entrepreneurial structuré.
’Si j’avais fait une étude de marché lorsque j’ai voulu me lancer dans l’automobile à moteur, les gens m’auraient répondu qu’ils voulaient des chevaux qui galopent plus vite’
Henri Ford
Depuis ces propos, tenus au début des années 1900, par celui qui fut à l’origine d’un modèle d’organisation industrielle connu universellement : le « fordisme », les temps ont changé. Avec la sophistication de l’économie, aucune stratégie d’entreprise n’a beaucoup de chance de se voir concrétisée, avant que diverses études de faisabilité ne viennent valider ce qui n’est au départ qu’une idée, une vision !
Strategos : conduite d'une armée !
La notion de ‘stratégie’ nous vient d’un jargon de combattants ( strategos = conduite d’une armée, en grec). La définition qu’en donne Octave Gélinier (économiste du XXème siècle) va nous rapprocher de l’objet de cet article, de la série ‘Concevoir une stratégie d’entreprise’ : réussir le déploiement d’un projet stratégique repose sur une méthodologie solide :
‘La stratégie d’une entreprise est l’ensemble des décisions destinées à adapter, dans le temps et l’espace, les ressources de la firme aux opportunités et aux risques d’un environnement et de marchés en mutation constante.’
Octave Gélinier (1916-2004)
Qui est concerné par les processus stratégiques de l'entreprise ?
Parmi les décideurs stratégiques, il s’en trouve au moins un qui aura exprimé une vision, qui fonde la raison d’être de l’entreprise. Les juristes parlent d’objet social, soit, ce pourquoi des gens se sont réunis dans une communauté d’objectifs et d’intérêt.
Ces décideurs sont les fondateurs de l’entreprise nouvelle (ou les promoteurs du lancement d’une activité nouvelle, dans une structure préexistante). Leur premier souci est de déterminer les moyens qui seront nécessaires pour donner vie au projet et donc, obligatoirement, de réunir suffisamment de ressources financières pour payer les moyens à réunir dans une entreprise agile.
Outre les infrastructures et autres biens nécesssaires pour l’exploitation, ces précurseurs ont, le cas échéant, la responsabilité de recruter des « moyens humains » complémentaires, c’est-à-dire des personnes qui apportent leurs compétences et augmentent la capacité de travail. Ainsi, des « cadres intermédiaires » sont parfois engagés pour contribuer, à leur niveau, au « processus stratégique d’entreprise ». Ceux qui seront chargés de transformer des objectifs stratégiques en objectifs opérationnels et en plans d’actions. Ces spécialistes, souvent des cadres salariés, seront les acteurs opérationnels de la stratégie réalisée.
Finalement, tous les collaborateurs, quelle que soit leur position dans l’organigramme fonctionnel sont concernés par la stratégie. Cela va de soi, puisque, le partage des valeurs d’entreprise avec chaque équipier contribue à la bonne compréhension des objectifs individuels et collectifs, en donnant du sens à la mission de chacun.
‘Aux contributeurs internes, que l’on vient d’évoquer, on peut rajouter des partenaires-clés. Par exemple, si la stratégie d’entreprise repose sur le levier opérationnel qu'est la sous-traitance, soit le partage de valeurs essentielles avec des partenaires externes, il est essentiel de s’assurer que ceux-ci ont bien compris les facteurs de succès qui reposent sur leur propre implication dans le projet stratégique’.
Thierry Goemans
6 paramètres essentiels pour la réussite d’un projet stratégique d’entreprise
1. La définition claire des objectifs
Le meilleur des GPS est inutile au conducteur qui ne sait pas où il doit se rendre. Autrement dit, la première mission des porteurs de projet est de décliner intelligiblement leurs objectifs stratégiques. Définir tôt les facteurs de succès et les relier à des indicateurs de gestion pour alimenter l’outil décisionnel de pilotage de la planification stratégique est aussi un must!
2. Une délimitation claire des rôles et responsabilités
Chaque collaborateur de l’entreprise doit connaître clairement sa fiche de poste, les tâches et décisions qui lui incombent ainsi que sa place dans l’organigramme fonctionnel global.
Il va de soi que, si chacun doit connaître sa place, tout le monde doit aussi connaître le périmètre de responsabilité des autres. Une bonne mise en oeuvre opérationnelle de la stratégie se mesure d’ailleurs au fait que, de la gouvernance aux équipiers, chacun respecte et soutien le rôle des autres parties prenantes.
3. Des modalités d’arbitrage explicites pour le travail collaboratif
Tous les contributeurs de l’entreprise sont là en raison de leur savoir-faire. En conséquence, il est naturel qu’un processus participatif de décision soit organisé, afin que les procédures opérationnelles reposent sur leur expertise.
La stratégie d’entreprise doit déterminer le mode de déploiement de projets en mode collaboratif, en structurant les temps d’échanges, mais aussi en désignant clairement ceux des contributeurs qui seront fondés d’autorité pour trancher lors des inévitables confrontations d’idées, mais aussi pour rendre des arbitrages, au terme du temps consacré au brainstorming.
4. Le soutien de la gouvernance
Les contributeurs de niveau « corporate », ceux qui se trouvent au sommet de la pyramide décisionnelle et qui ont un certain pouvoir « top -down » (autorité verticale) contribueront au processuss stratégique non seulement en exprimant une « vision d’entreprise » mais aussi en donnant à leurs collaborateurs de niveau inférieur les moyens (temps, argent, matériel, équipes) dont ils ont besoin pour décliner la stratégie en opérations.
Les cadres intermédiaires tirent leur légitimité auprès de leurs collaborateurs dans le soutien explicite de la gouvernance. Les « grands stratèges » doivent communiquer au sujet des délégations de pouvoir, par exemple en diffusant une lettre de cadrage avant le début d’un nouveau projet stratégique.
5. Un chef de projet compétent
Promouvoir un projet stratégique en interne est un challenge. La personne désignée comme chef de projet pour le déploiement d’un processus stratégique nouveau aura une mission d’interface entre les « purs stratèges » appartenant à la cellule de gouvernance et les contributeurs chargés de la mise en œuvre opérationnelle des objectifs stratégiques. Ce rôle délicat nécessite de nombreuses qualités dont la capacité à arrondir les angles n’est pas la moindre.
6. L’adhésion et l’engagement
Embarquer et conserver des collaborateurs enthousiastes dans le projet d’entreprise est plus facile quand la stratégie et les valeurs d’entreprises sont claires. Définir pour tout le monde des objectifs collectifs et individuels et en mesurer régulièrement l’atteinte, par le suivi d’un tableau de bord d’indicateurs stratégiques favorise l’acceptation des objectifs. La « contractualisation » de la mission assignée à chacun est d’autant plus facile lorsque les valeurs cibles de qualité, à atteindre, pour chaque indicateur de gestion ont été déterminées en mode collaboratif, en s’appuyant sur l’expertise des contributeurs. Il s’agit ni plus ni moins que d’objectiver la mesure d’atteinte des objectifs assignés. On parle alors de pilotage stratégique par le tableau de bord.
Dans le prochain article de cette série nous aborderont la notion de « vision entrepreneuriale ».
Retrouvez, sur ce blog, tous les articles de notre série consacrée à la conception d’une stratégie d’entreprise.