Il y a quelques jours, j’avais publié sur LinkedIn mon intention de renoncer à considérer le budget comme un processus annuel incontournable, pour baliser le parcours des douze prochains mois.
Dans cet article, je vous donne les raisons de mon hésitation mais je dis aussi comment j’en suis arrivé à ne pas tout à fait virer ma cuti : 
Gardons le budget, gravé dans le marbre avant le début de l’année, à sa juste et nécessaire place et voyons quels autres outils décisionnels mettre en place pour un pilotage stratégique agile.

faut-il renoncer à la démarche budgétaire

🚨Alerte divulgachion 🚨 Dans cet article, on explique en quoi la démarche budgétaire est imparfaite en temps de conjoncture turbulente mais aussi pourquoi celle-ci demeure stratégique.

La démarche budgétaire classique remonte au 20ème siècle

La rédaction, en base annuelle, d’un budget, qui structure l’ensemble des activités à pratiquer pendant ce laps de temps est une pratique qui date du 20ème siècle. Il s’agit d’attribuer des ressources en cohérence avec les plans d’actions à réaliser dans les douze mois à venir, pour respecter le cadre fixé par le plan stratégique à long terme.
Le budget permet de fixer des objectifs annuels selon une méthode traditionnelle : la gouvernance fixe un cadre et ensuite les différents centres de responsabilité décentralisés consacrent du temps pour formuler une demande d’affectation de moyens, concernant leur périmètre. Les services ou business units s’appuient sur leurs plans opérationnels et d’investissements spécifiques pour démontrer l’alignement de leur revendication avec la planification stratégique.

Deux bonnes raisons de désacraliser le processus budgétaire

Les dés sont pipés ! Présenté comme un travail collaboratif, le budget adopté est trop souvent percu comme la fixation de contraintes décidées en haut lieu.

Mais la démarche budgétaire a aussi la réputation de ne plus répondre aux besoins d’une entreprise agile, soucieuse de disposer d’outils décisionnels utiles pour s’adapter à une conjoncture houleuse.

1° Une démarche pas si collaborative que cela ...

Bien que décentralisée, la démarche budgétaire classique commence et se termine par des arbitrages rendus par la gouvernance : seul un groupe restreint de personnes est chargé de veiller à la cohérence d’ensemble du budget finalisé.

Les erreurs dont la gouvernance doit se garder dans cette situation sont :

  • la sous-estimation de la « réalité du terrain »
  • le désaveu de l’expertise des opérationnels.

Les personnes que je reçois en formation disent souvent regretter que la démarche budgétaire de leur entreprise commence par l’ordre de collaborer à un travail budgétaire qui valorise leurs compétences techniques spécifiques pour se finir par un budget consolidé par la gouvernance dans lequel ils ne se retrouvent pas. Avec ce ressenti, un budget, qui se veut structurant, devient l’instrument qui dévoile un manque d’unité entre le haut de la pyramide hiérarchique et les collaborateurs. Les conséquences possibles, sont un manque d’adhésion des équipes à un programme « top>down ».

2° Un budget n'est pas un outil décisionnel "agile"

L’utilité du budget (défaut égalment attribué au business plan), rituel quasi universel mais énergivore et chronophage, est de plus en plus souvent contestée, parce que la pertinence d’objectifs, pensés en amont du « temps opérationnel »,  peut être rapidement remise en cause, du fait de l’instabilité qui caractérise le monde dans lequel nous vivons.

La gestion sans budget comme réponse à la réactivité stratégique ?

Bien que le rythme de la vie économique se soit emballé dès la fin des « Trente Glorieuses » on peut dire qu’avant l’ère numérique et internet, les entreprises disposaient encore d’un temps assez long pour déployer une stratégie et en attendre des effets bénéfiques.

Mais, aujourd’hui, une capacité d’adaptation rapide conditionne parfois jusqu’à la survie de l’entreprise.

Y-a- t-il un pilote dans l’avion ?

Un risque, quand on privilégie l’adaptation à un « état d’urgence » permanent est d’oublier nos valeurs fondamentales et la  stratégie à long terme.
En cela, ceux qui réfutent l’utilité d’un budget annuel oublient que le budget, gravé dans le marbre, rappelle utilement la stratégie délibérée.

Oublier la stratégie parce qu’on est sans cesse en réaction à une conjoncture instable revient à réduire le pilotage de l’entreprise à un « maintien à flot », en abandonnant toute volonté de maîtriser de la destination finale. Un tel renoncement est impossible car il transporte l’aveu d’impuissance des stratèges, avec des conséquences inquiétantes sur le moral des équipes et la crédibilité de l’entreprise dans son environnement.

L’absence de budget détruit les repères à l'horizon d'un an

Abandonner le sacro-saint budget implique de renoncer à fixer des objectifs suivant un jalon annuel.
Si ce renoncement peut avoir du sens, en termes d’agilité, il ne va pas de soi pour tous ceux qui s’intéressent à la performance d’un modèle économique :

  • la plupart des gens ont l’habitude de raisonner à l’horizon d’un an. Les actionnaires, le banquier, les auditeurs et commissaires, le personnel, les prestataires et clients sous contrat pour lesquels le reporting financier, juridique ou commercial constitue un référentiel nécessaire, apprécient de caler leurs analyses sur une durée correspondant à un exercice comptable ;

  • en terme de motivation des équipes, le contrôle budgétaire en base annuelle a pour avantage de correspondre à l’exercice RH, qui consiste à fixer à chacun des objectifs collectifs et individuels dont la réalisation est sanctionnée en entretien d’évaluation, une fois par an.

Le budget est à l’entreprise ce que la boussole est à l’explorateur

Les partisans de l’orthodoxie budgétaire plaideront la difficulté qu’il y a rappeler le nécessaire alignement des comportements de tous à la stratégie globale, sans faire référence à un modélisation annuelle classique.
Les stratèges « réformateurs » ne manquent jamais de vous faire observer qu’un budget, dans sa forme classique est un outil décisionnel dont la valeur ajoutée est insuffisante. Pour eux, cette démarche bureaucratique fait partie des coutumes conservatrices, dont on peut se dispenser.

Après avoir pesé le pour et le contre, je leur donnerai, pour ma part, à la fois tort et raison.

Quels outils décisionnels mettre en place pour un pilotage stratégique agile ?

Dans un prochain article, je vous ferai part des outils de pilotage que je trouve utiles pour compléter utilement une démarche budgétaire classique, indispensable mais insuffisante pour garder le contrôle stratégique d’une entreprise : on parlera notamment de « reprévisions », et de « rolling forecast »

Dans cette série consacrée à la conception d’une stratégie d’entreprise, je vous explique comment dépasser le stade de la vision stratégique en formulant des objectifs stratégiques, des objectifs opérationnels et des plans d’actions, qui permettent de passer de l’idée  à l’exploitation d’un projet entrepreneurial.

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